le cerveau de mon père. la voix de ma mère.

C'est vraiment beau un cerveau... Toutes ces circonvolutions incroyables,ces milliards de connexions qui peuvent un jour se dé-connecter, s'effacer pour ne laisser la place qu'au vide de mots, d'émotions, de mouvements, de souvenirs.

A certains moments, lorsque je le regarde, j'ai l'impression que pour lui finalement, tout ça n'est pas si grave. Il ne se plaint de rien. Il oublie presque tout. Il se laisse faire, soigner, aider en grognant parfois, comme un enfant qui ne veut pas qu'on le dérange. Il dort beaucoup, se lève, s'assied, regarde sans la voir la télé qui doit être allumée, mange, fume un cigarillo et...se couche, dort beaucoup, se lève, s'assied, regarde sans la voir la télé qui doit être allumée, mange, fume un cigarillo et...

Il est maintenant déconnecté de tout ce qui fait une vie sociale, un qu'en dira-t'on, le regard des autres. Plus d'inhibitions. Plus d'obligations et surtout, surtout, plus de souvenirs, donc plus de souffrances.

Moi, je suis sûre que tout a commencé à la mort de mon frère, il y a 33 ans. il avait 54 ans. La maladie est venu silencieusement, petit à petit, par touches discrètes et presque invisibles pour mieux s'installer et n'être diagnostiquée qu'il y a 10 ans au moment où elle ne laissait plus aucun doute sur sa présence. Au moment où il était trop tard pour l'aider à maintenir un semblant de conscience.

De toute façon, il n'y a qu'environ 5000 cas en France, donc cette maladie ne génère que peu de recherches, c'est une maladie dite" rare" qui est celle de mon père.

Dans cette histoire de vie, il y a ma mère qui, depuis si longtemps, continue à vivre pour oublier ses propres souffrances et qui, aujourd'hui, voit son mari (depuis plus de 60 ans) s'absenter un peu plus chaque jour.

Plus d'échanges. Plus de danse ensemble comme avant. Plus de souvenirs en commun à partager. Plus de rires complices. Simplement la délivrance de quelques moments de tendresse, un baiser posé comme un pansement, une main qui caresse le visage et aussi, parfois, ce sourire merveilleux quant il la voit arriver après des jours à l'hôpital, perdu, confus, inquiet. Il la reconnaît. Il sait qu'elle est encore et toujours son espace de sécurité et quand on lui demande "Elle s'appelle comment ta femme ?", il la regarde (il sait de qui l'on parle) ouvre un large sourire et dit "Je l'appelle pas, elle vient toute seule !!", et là, nous éclatons tous de rire avec lui. Il existe encore des instant furtifs et profonds et drôles comme celui-ci.

S'attacher à ce qui est encore possible plus qu'à ce qui a disparu.

Je les regarde tous les deux. J'entends moins souvent le son de la voix de ma mère chanter Piaf, Ginette Réno ou Renaud... Plus de mistrals gagnants, plus "emportée par la foule" parce que ses 90 ans de vie commencent à avoir raison de ses mélodies.

Alors, elle classe les photos devant lui en lui disant "Oh, regarde celle-ci, tu te souviens, c'était quand les enfants...." et la voilà partie à lui remémorer des souvenirs de vie comme s'il s'en souvenait ou peut-être pour qu'il s'en souvienne, pour avoir encore à partager. Alors elle regarde les vidéos de sa vie "d'avant", quand elle donnait des concerts avec "Le Plaisir de Chanter" qu'elle avait créé et où elle a formé pendant 20 ans des amateurs à se faire plaisir en chantant le répertoire français et espagnol et lui écoute et lorsque c'est la voix de ma mère qui s'élève, il sourit, il est ému, il aime, il écoute.

Il est vivant.

bonheur.vie.rire.souvenir.famille.amour. vie.rêver.oser.croire.espérer.dire.aimer.penser.dire.donner.jouer.nature.amis.vie. bonheur.

mon père à 17 ans.


mes parents. Algérie.


mes parents. un jour.


à cannes.

quartier République.

avant.

après.

d'australie.sa fille.


le bonheur.


il est là.


visite.


baiser.


retrouvailles.


Représentation des différents lobes (zones) du cerveau. Le cerveau est divisé en deux hémisphères (un droit et un gauche), chaque hémisphère étant constitué de quatre lobes. Les lobes frontaux et les lobes temporaux sont atteints dans les DFT.
Représentation des différents lobes (zones) du cerveau. Le cerveau est divisé en deux hémisphères (un droit et un gauche), chaque hémisphère étant constitué de quatre lobes. Les lobes frontaux et les lobes temporaux sont atteints dans les DFT.
L’image de gauche est une IRM d’une personne atteinte de DFT. On peut y voir les régions frontales du cerveau qui ont diminuées en raison de la mort des cellules cérébrales. L’image de droite est une IRM d’un adulte du même âge en bonne santé.

la DFT.

Mon père est atteint d'une dégénérescence Fronto-Temporale depuis environ 10 ans. La dégénérescence fronto-temporale (DFT) est une maladie neurodégénérative, apparentée à la maladie d'Alzheimer.

Contrairement à cette dernière qui affecte la quasi-totalité du cerveau, la DFT touche principalement le lobe frontal et temporal situés dans les parties antérieures et latérales du cerveau.Les personnes atteintes de DFT peuvent ainsi présenter des troubles de la mémoire, souvent épisodiques, des changements de comportement, ou encore des difficultés à parler ou à se mouvoir.

La zone fronto-temporale touchée concerne le langage, le comportement, la pensée abstraite et la capacité de mouvements.

À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement connu et aucun moyen efficace de ralentir l’évolution de cette maladie. Les traitements disponibles se concentrent surtout sur les symptômes de cette maladie.

La dégénérescence fronto-temporale en quelques chiffres :

  • Elle représente 20% des démences dégénératives.

  • Elle représente 2 à 5% de tous les cas de troubles cognitifs.

  • La prévalence de la maladie est de 10 à 15 / 100 000.

  • En France, 5 000 personnes sont touchées par la DFT.

http://www.frcneurodon.org/comprendre-le-cerveau/le-cerveau-malade-et-ses-maladies-neurologiques/la-degenerescence-fronto-temporale/